Quinn Jacobson © 2010 Paul Herman. All rights reserved.

La surprise

Partagez...Share on FacebookShare on Google+Email this to someonePin on PinterestShare on TumblrShare on LinkedIn

Lever de bonne heure pour un dimanche, c’est le week-end de la Foire à la photo de Bièvres.
8:50. Je quitte la maison pour la gare; en chemin un énorme orage se déchaîne au-dessus de moi.
A mi-chemin je m’abrite sous une entrée de parking, je m’interroge… je continue ou je fais demi-tour?
De toute façon je suis déjà trempé, je continue.
Je monte dans le train, arrivé à Bièvres la pluie c’est calmée.

C’est ma première visite à cette foire, je suis le parcours fléché qui va de la gare à la place de la mairie où elle se tient. La distance est courte mais la pente est rude…

Il est 9:30 et il y a déjà beaucoup de monde malgré la pluie.

Je me promène dans les allées, laissant mon regard vagabonder… Quand tout d’un coup, je vois un stand marqué « Quinn Jacobson » ! (1)
Non?! Je rêve !
Il est là avec quelques personnes; deux charriots, deux énormes caisses, une glacière… je me tiens à distance du stand pour l’observer s’installer. Au bout d’un quart d’heure, je m’approche pour demander s’il allait faire une démonstration du collodion humide.
Oui vers 10:30 et il réalisera des portraits dans la journée.
Je m’inscris.
Preum’.
Il y a deux formats (petit, moyen) et deux verres au choix (noir, transparent); je choisis le moyen et noir sans m’inquiéter du prix et je poursuis ma visite.
Un arrêt à la boulangerie, pour l’achat d’une dizaine de chouquettes.

Vers 10:30, je reviens au stand. J’offre quelques chouquettes à sa famille.
Il prépare la plaque de verre noire, la tient par le dessous, verse un filet d’un liquide couleur or dessus (le collodion), berce la plaque pour le répartir uniformément, reverse le surplus dans un flacon, puis quand le liquide commence à se figer s’isole dans sa « chambre noire de campagne » pour plonger la plaque dans un bain de nitrate d’argent et la mettre dans un châssis.
Il revient, me regarde, c’est le moment de la pose.
Je me débarrasse de mon sac, j’ôte ma parka trempée et m’assied face à la chambre photographique.

Derrière-moi une sorte de repose-tête en métal contre lequel il me demande de me caler.
Il baisse le trépied, me demande d’avancer la chaise, ré-ajuste le repose-tête.
Je ne sais absolument pas qu’elle attitude adopter, quoi regarder.
Le ciel est très sombre, et le stand est sous des bâches comme dans les marchés. Il n’y a pas d’éclairage artificiel.
Un assistant tient un réflecteur pour éclairer la partie gauche de mon visage.
Il fait un premier shoot à blanc, puis discute avec son assistant.
Il charge la chambre.
Je suis tendu, crispé; il me dit de respirer, de me détendre, que tout va bien se passer, qu’il aime bien mon bouc (qui doit être en bataille d’ailleurs),
Il m’explique qu’il va compter jusqu’à trois avant de déclencher, me demande de ne pas bouger les yeux pendant la durée de la pause, de fixer un point au-dessus de l’objectif.
La pause va durer dix secondes.
Three, two, one.
One… je fixe le point indiqué. Two… je ne bouge pas. Three… j’ai du mal à me détendre. Four… faut pas bouger. Five… si la pause est plus longue je vais commencer à loucher. Six… faut pas bouger. Seven… dans nom champ de vison des photographes me prennent en photo également. Eight… faut pas bouger. Nine… c’est la fin. Ten… ouf !

C’est long dix secondes… face à soi-même.

Il décharge la chambre photographique du châssis et va dans sa « chambre noire de campagne ». Il revient avec la plaque, prend un bac contenant un liquide, plonge la plaque dedans, berce le bac. Un photographe est en rafale, je regarde la plaque… et la magie se produit, mon visage apparait lentement… c’est étrange… comme le sentiment que quelque chose est sorti de moi… c’est émouvant.
Les gens autour trouvent cela également magique, merveilleux.
Quinn Jacobson est très content du résultat malgré le peu de lumière.
Il me lâche un « great face », et qu’avec mon bouc j’ai un visage d’un autre siècle.
Moi aussi je suis très content. Il pose la plaque sur un égouttoir en bois et me demande de passer dans une heure pour assister à la finition.

J’appelle Laurent, bois un café et pars à la recherche de quelques affaires à faire.

A mon retour, il y a beaucoup de monde sur le stand. La finition de mon ambrotype est déjà commencée. je reste en retrait et regarde. Quinn Jacobson est assis, devant lui une lampe à alcool au-dessus de laquelle il chauffe la plaque de verre.
Il faut la chauffer doucement car sinon elle risque de se briser, une fois chaude il fait couler un filet de liquide, berce à nouveau la plaque au dessus de la flamme jusqu’à évaporation. Il se dégage une agréable et enivrante odeur de lavande.
Quelques personnes me regardent , et s’aperçoivent que je ressemble étrangement à la personne sur le verre.
Quinn Jacobson me fait signe de m’approcher. Il termine mon ambrotype et le repose sur l’égouttoir.
Sa femme me dit de passer vers 14:00 pour le récupérer.

Un arrêt à la boulangerie pour un casse-croûte, une eau, un dessert, et je poursuis ma promenade.

Sur la place, je croise Quinn Jacobson et sa famille qui me saluent en allant déjeuner.

A l’heure dite mon ambrotype est prêt, je paie.
Quinn Jacobson me recommande de ne pas mettre les doigts sur la photo et de la mettre au sec pendant 24 / 48 heures.
Il revient à Paris dans deux semaines et me demande de venir le voir; j’accepte avec plaisir.
Toute la famille me serre la main et me fait des signes d’au-revoir lorsque je m’éloigne.

Chemin inverse pour le retour. Arrivé à la maison, je place l’ambrotype dans le placard à vaisselle pour 48 heures.

Malgré le mauvais temps ce fût une journée radieuse.

Bilan de la journée : filtres, flash, polaroid 403, sx-70, lubitel 2, quelques étuis et MON ambrotype.

Et si j’avais fait demi-tour… ?Quinn Jacobson